• Le rideau, essai en sept parties publié par Kundera en 2005, ressemble à une tombée de rideau sur l'œuvre du romancier. L'auteur y aborde les thèmes centraux de son œuvre : l'art du roman hérité par Cervantes (Don Quichotte) et Rabelais, le rire, le kitsch et la dimension existentielle du roman, ces mêmes thèmes que j'avais eu l'occasion d'approfondir il y a plusieurs années dans ma plongée dans l'œuvre de Kundera. Kundera y aborde également (avec plus ou moins de succès) d'autres thèmes aux allures de fin de règne : la mémoire, l'oubli, le caractère éternel du roman.


    Si cet essai reste indispensable pour tout passionné de l'œuvre de Kundera, il s'inscrit profondément dans cet œuvre (le lire tout seul sans avoir lu l'œuvre de Kundera serait une déception) dont il constituerait la triste fin. L'essai s'achève en effet dans une affirmation rapide et désabusée du caractère “périssable du roman”.


    On y retrouve néanmoins (rarement...) les éclairs de génie de l'auteur, ces réflexions aux allures anodines mais qui laissent pantois, comme après une décharge électrique. Les réflexions sur la “beauté d'une soudaine densité de la vie”, la démystification du kitsch (comme une variation de la vulgarité) et de la logorrhée mondiale (”la lecture est longue, la vie est courte”) constituent quelques exemples de ces émotions uniques que Kundera seul sait donner à ses textes. Bref, à lire... mais après les autres écrits de l'auteur. (note : 4/5)




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  • Oops, la Saint Valentin est encore une fois passée sans que j'achète une rose rouge à double prix ou une peluche en forme de cœur. Nous avons aussi oublié de réserver dans un restaurant qui, exceptionnellement, nous fait vivre une expérience incroyable un peu plus chère que la veille, serrés contre d'autres valentins qui s'échangent leurs promesses de l'année et quelques sourires mièvres. Encore une fois, nous avons oublié de participer à cette immense ronde des amoureux qui se tiennent tous par la main dans un fabuleux élan de lyrisme et de générosité... pendant 24 heures.


    Pauvre Valentine ! 


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  • Dans un splendide décor moldave, un homme, sa femme et leurs deux enfants arrivent dans une maison de campagne où l'homme a passé son enfance. Les rares échanges entre les époux commencent par un aveu de trahison. La première partie du film (1h45 environ) ressemble à un roman existentiel où les détails sont relégués au second plan et où le regard du spectateur est concentré sur l'univers d'une trahison muette. On se laisse bercer par le côté contemplatif mais en même temps doucement torturé du film...

    On est heureux, on a envie d'en rester là mais le réalisateur (Andrei Zviaguintsev) en a décidé autrement et, au lieu de partir dans une douce brume tragique, on assiste à 45 minutes de flash back et d'enchainements lourdauds d'un réalisateur sans finesse qui semble paniquer à l'idée de garder quelque mystère autour de ses personnages... On finit par s'ennuyer, la magie se transforme en pâle réussite. (note 2/5)


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  • L'Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines est, comme toute anthologie, un voyage rempli de surprises et découvertes. La nouvelle est un exercice à part, difficile de par la taille qui est inversement proportionnelle aux attentes : on attend l'intensité dramatique d'un roman concentrée en quelques pages. L'anthologie en question réussit ce défi et, malgré quelques déceptions, nous emporte dans la richesse de la littérature japonaise qui ne se réduit pas aux quelques écrivains dont la renommée a déjà dépassé les frontières (Mishima, Kawabata, ...). Le kaléidoscope est riche en couleurs et émotions et on n'a qu'une envie : noter la dizaine de nouveaux noms (Uno, Nakamura, Takeda, Yoshiyuki, Kaiko, Sata, Hara, etc.) et aller vite découvrir la matière plus dense qu'ils ont créée. (Merci à M. et Mme B. pour l'idée originale). (note : 4/5)

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  • Dans la rubrique Poésie, voici le poème de février, un texte de Nadia Tuéni sur le Liban.

    “Mon pays longiligne a des bras de prophète.
    Mon pays que limitent la haine et le soleil.
    Mon pays où la mer a des pièges d'orfèvre,
    que l'on dit villes sous marines,
    que l'on dit miracle ou jardin.
    Mon pays où la vie est un pays lointain.
    Mon pays est mémoire
    d'hommes durs comme la faim,
    et de guerres plus anciennes
    que les eaux du Jourdain.
    Mon pays qui s'éveille,
    projette son visage sur le blanc de la terre.
    Mon pays vulnérable est un oiseau de lune.
    Mon pays empalé sur le fer des consciences.
    Mon pays en couleurs est un grand cerf-volant.
    Mon pays où le vent est un nœud de vipères.
    Mon pays qui d'un trait refait le paysage.

    Mon pays qui s'habille d'uniformes et de gestes,
    qui accuse une fleur coupable d'être fleur.
    Mon pays au regard de prière et de doute.
    Mon pays où l'on meurt quand on a de temps.
    Mon pays où la loi est un soldat de plomb.
    Mon pays qui me dit : “prenez-moi au sérieux”,
    mais qui tourne et s'affole comme un pigeon blessé.
    Mon pays difficile tel un très long poème.
    Mon pays bien plus doux que l'épaule qu'on aime.
    Mon pays qui ressemble à un livre d'enfant,
    où le canon dérange la belle-au-bois-dormant.

    Mon pays de montagnes que chaque bruit étonne.
    Mon pays qui ne dure que parce qu'il faut durer.
    Mon pays pays tu ressembles aux étoiles filantes,
    qui traversent la nuit sans jamais prévenir.
    Mon pays mon visage,
    la haine et puis l'amour
    naissent à la façon dont on se tend la main.
    Mon pays que ta pierre soit une éternité.
    Mon pays mais ton ciel est un espace vide.

    Mon pays que le choix ronge comme une attente.
    Mon pays que l'on perd un jour sur le chemin.
    Mon pays qui se casse comme un morceau de vague.
    Mon pays où l'été est un hiver certain.
    Mon pays qui voyage entre rêve et matin.”

    Nadia Tuéni, Liban: vingt poèmes pour un amour


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